Sanctions, contrat d’accès aux soins, revalos : le patron de la CNAM dit tout

Publié le par La sante un droit pour tous

Sanctions, contrat d’accès aux soins, revalos : le patron de la CNAM dit tout

 30/05/2013


Alors que le sujet des dépassements est revenu dans l’actualité avec la création d’un observatoire citoyen, le directeur de l’assurance-maladie dresse le bilan précis de l’avenant 8. Moins de 3 000 praticiens (sur 25 000 éligibles) ont signé à ce jour le contrat d’accès aux soins de régulation tarifaire mais « les retours du terrain sont positifs », précise Frédéric van Roekeghem.

La mise en œuvre du contrat qui était programmée au 1er juillet sera reportée d’au moins trois mois, soit début octobre. Les revalorisations prévues s’appliqueront au 1er juillet pour les seuls médecins de secteur I. Côté sanctions, 1 500 praticiens sont sous surveillance. La CNAM adressera les premiers dossiers aux commissions paritaires à compter du troisième trimestre.

LE QUOTIDIEN - Les usagers du CISS, « 60 millions de consommateurs » et Santéclair ont annoncé cette semaine la création d’un « observatoire citoyen » des restes à charge en santé, qui suivra aussi les dépassements d’honoraires. N’est-ce pas un désaveu pour la CNAM ?

FREDERIC VAN ROEKEGHEM – Cette initiative montre que la préoccupation des Français autour du reste à charge et des dépassements d’honoraires reste forte. Et cela doit inciter les médecins à favoriser une régulation contractuelle efficace ! On ne peut pas regretter que les acteurs du monde de la santé se saisissent d’un tel sujet, il est compréhensible que les associations de consommateurs se soucient du reste à charge.

Mais l’avenant 8 prévoyait justement un observatoire conventionnel de suivi des pratiques tarifaires. Pourquoi n’est-il pas opérationnel ?

Le principe de sa mise en place a été acté. Il intégrera les syndicats signataires, mais également des représentants des associations et des syndicats non signataires de la convention dont Le BLOC ainsi que le conseil de l’Ordre. La commission paritaire nationale a donné son accord et l’observatoire conventionnel sera installé dès le mois de juin.

Selon le CISS, les dépassements des spécialistes de secteur II ont augmenté de 9 % depuis deux ans…

Nous regardons les montants mais aussi le taux moyen de dépassement par rapport aux tarifs de la Sécurité sociale. Les résultats montrent que le taux moyen de dépassement des spécialistes de secteur II s’est stabilisé en 2012 et dans les premiers mois de 2013.

Analysons les tendances longues : de 2000 à 2005, le taux de dépassement a progressé de 12 points, passant de 37 à 49 % ! Puis il y a eu une nouvelle augmentation les cinq années suivantes pour atteindre le taux de 54 %. Ce qui est vrai, par ailleurs, c’est que les nouvelles installations en secteur II, en anesthésie et chirurgie par exemple, ont continué d’augmenter.

L’objectif de l’avenant 8 est de garantir l’accès aux soins grâce au nouveau contrat, d’enrayer la dérive de ces dernières années, et de faire baisser les dépassements excessifs.

Combien de médecins ont signé le nouveau contrat d’accès aux soins ?

Nous en avons exactement 2 762 au 28 mai dont 130 médecins de secteur I titrés, soit environ 3 000 contrats signés fin mai. Cette progression est conforme à nos prévisions puisque nous enregistrons environ 1 500 nouveaux contrats par mois. Les délégués de l’assurance maladie ont commencé les visites fin mars seulement.

Nous obtenons de très bons retours chez les généralistes de secteur II et les médecins à exercice particulier (MEP). Nous avons aussi « priorisé » certaines spécialités cliniques comme la pédiatrie et la cardiologie avec de bons résultats. Quant aux chirurgiens, ils sont troublés par les messages contreproductifs du syndicat Le BLOC qui prend une lourde responsabilité vis-à-vis de cette profession.

J’insiste sur le fait que notre contrat est attractif pour la chirurgie, qu’il permet d’améliorer sur le plan tarifaire l’image de la profession à l’heure où les dépassements chirurgicaux sont considérés comme un des premiers problèmes d’accès aux soins… De fait, nous avons déjà quelques centaines d’adhésions en chirurgie.

Pour que le contrat entre vigueur au 1er juillet, il faudrait qu’il soit signé par un tiers de médecins éligibles (soit un peu plus de 8 000 sur 25 000). Ce chiffre semble désormais hors de portée…

Nous serons aux alentours de 5 000 contrats signés fin juin. Nous avons sous-estimé la durée nécessaire pour lancer et déployer le contrat d’environ trois mois. Il a fallu collationner toutes les données sur les dépassements et les traiter individuellement pour que chaque médecin puisse se prononcer sur son propre cas.

L’avenant 8 a prévu que si le seuil de 33 % de praticiens éligibles n’était pas atteint au 1er juillet, on se donnerait un peu plus de temps. Les délais vont donc être repoussés pour rattraper les 3 mois de retard, ce qui situerait la mise en œuvre du contrat au 1er octobre. Nous en discuterons en commission paritaire nationale le 5 juin.

Sur le fond, ce contrat est-il suffisamment attractif ?

Les retours du terrain sont positifs. Très peu de médecins refusent de recevoir nos délégués. Et un médecin sur cinq signe spontanément le contrat. En tout, 23 départements ont dépassé la moitié de l’objectif (du tiers de médecins éligibles) en deux mois. A Nice, une caisse très réactive, plus de 250 professionnels ont souscrit.

On avance également très bien dans d’autres caisses. Par exemple Perpignan, Bastia ou les Hauts-de-Seine… J’ajoute que nous n’avons « visité » que la moitié des médecins. C’est pourquoi nous restons confiants. Beaucoup de médecins observent les choses, font leurs calculs, demandent des avis.. L’enjeu est majeur pour la profession, pour l’image de la médecine libérale et pour l’accès aux soins de nos concitoyens.

Concernant le volet « sanctions » de l’avenant 8, combien de médecins ont reçu ou vont recevoir des lettres d’avertissement ?

Dans un premier temps, nous avons informé l’ensemble des médecins de secteur II des nouvelles règles du jeu. Nous avons identifié 1 500 médecins qui, soit sont au-dessus du seuil des 150 % de dépassement, soit font partie des 5 % de praticiens dont les compléments sont les plus élevés par département. J’ai ensuite demandé aux directeurs des caisses primaires d’engager une campagne de communication téléphonique en direction de ces médecins.

L’objectif est d’informer les praticiens concernés qu’ils seront plus particulièrement susceptibles d’être soumis à une procédure de sanction et qu’ils doivent faire évoluer leurs pratiques dans les meilleurs délais. La période d’observation s’est terminée fin avril. Nous allons pouvoir enclencher l’étape suivante, sur la base des analyses en cours, étape qui consiste dans l’envoi de courriers d’avertissement aux praticiens concernés.

Que se passera-t-il après l’envoi de ces courriers ?

Après avertissement, nous observerons de nouveau les pratiques tarifaires. Si deux mois plus tard, nous ne relevons pas d`évolution du comportement des praticiens avertis, nous enverrons le dossier aux commissions paritaires à compter du troisième trimestre de 2013, dans le cadre de la procédure contradictoire. Nous privilégions le dialogue. Notre objectif est de favoriser une évolution des comportements tarifaires en réduisant les excès. In fine, si le dialogue et les avertissements n’aboutissent pas, nous serons conduits à saisir les commissions paritaires régionales.

Par ailleurs, nous allons envoyer rapidement des lettres d’avertissement aux 400 professionnels qui demandent des compléments d’honoraires aux patients en CMU-C et en ACS.

Les revalorisations prévues dans l’avenant 8 seront-elles applicables au 1er juillet quoi qu’il arrive ?

Nous avons transmis ces revalorisations pour satisfaire aux délais légaux et permettre leur publication. Ces revalorisations seront applicables au 1er juillet aux seuls médecins de secteur I. Elles bénéficieront aux praticiens de secteur II signataires dès que sera mis en place le contrat d’accès aux soins. Le mécanisme de l’avenant 8 est vertueux : il privilégie les médecins de secteur I qui ne font pas de dépassements et favorise ceux des médecins de secteur II qui s’engagent dans une tarification responsable.

Les jeunes généralistes s’estiment lésés par le P4P, ayant perçu beaucoup moins que les 5 365 euros de prime moyenne. Allez-vous adapter le dispositif ?

J’ai pris connaissance de l’enquête de REAGJIR. Les services de la CNAM vont examiner la situation, et le cas échéant nous agirons si l’équité de traitement entre les différentes caisses n’était pas respectée. Mais sur le fond, les jeunes médecins mettent un peu de temps à constituer leur patientèle. Ils ne peuvent pas espérer atteindre immédiatement le même niveau de rémunération que les médecins qui ont une patientèle stabilisée.

Des rumeurs vous donnent partant vers le groupe Malakoff Médéric. Irez-vous au bout de votre mandat à la direction de la CNAM ?

Mon mandat court jusqu’en novembre 2014. Ma mission à l’assurance-maladie est aujourd’hui ma seule préoccupation.

EHPAD à tarif global : les majorations au bon vouloir des directeurs

La majoration de 5 euros pour les personnes âgées de plus de 85 ans (MPA) s’appliquera-t-elle aux médecins exerçant en EHPAD en budget global ?

« Cela sera fonction des contrats qui existent entre ces établissements à dotation globale et les médecins, précise le patron de la CNAM. C’est l’EHPAD à dotation globale qui rémunère les médecins. Cela n’est pas régi par la convention. L’avenant 9 à la convention médicale prévoit toutefois de tenir compte, dans les exonérations de cotisations sociales, de l’activité réalisée par ces médecins en EHPAD lorsqu’ils respectent les tarifs conventionnels. »

Rembourser en fonction des revenus ? Une idée d’apprenti sorcier...

Que pense le patron de la Sécu de l’étude de deux économistes suggérant de rembourser les soins de ville en fonction des revenus ?

« C’est une étude de 2009… Elle ne prend pas en compte la CMU-C, le reste à charge hospitalier ni les dépassements d’honoraires dentaires, optiques ou de secteur II. Bref, c’est une étude partielle, à laquelle on a donné trop d’importance. Les auteurs ont envisagé la mise en place d’une franchise annuelle de 100 euros par personne et par enfant pour un couple qui disposerait de 3 000 euros par mois. Dans cette hypothèse, il faudrait aller trois ou quatre fois chez le généraliste pour chacune des personnes de la famille avant de pouvoir être remboursé. Je ne suis pas sûr qu’on améliore l’accès aux soins avec ces idées d’apprenti sorcier… »

› PROPOS RECUEILLIS PAR CYRILLE DUPUIS ET CHRISTOPHE GATTUSO

Interview à paraître dans le N°9246 du « Quotidien »

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